samedi, septembre 30, 2006

Seul dans mon « vaisseau », ou plutôt dire épave il n’y rien que des étoiles lointaines mais dans des configurations inconnues. Leur putain de radio trans-inertiele ne me renvoie qu’un bruit blanc. Comme si j ‘étais dans mon salon à siroter une bonne bière avec un câble opérateur défaillant.. Un système de trans-propulsion jamais testé , et il y a des cons comme moi pour dire oui (remarquez ça peut marcher surtout pour Armstrong). Mais moi je ne vois pas une seule petite planète, je ne vois d’ailleurs pas de planète du tout.. Bon c’est la merde mais pas la panique (enfin c’est ce qu’on se dit pour se rassurer). Je peut compter sur deux ou trois semaines de vivre et d’eau (en faisant vachement gaffe, ils sont pas très généreux la bas). Je pourrais aussi me tirer une balle dans la tête sauf que j’ai pas de revolver (curieux ils pensent presque toujours à tout ces enculés). Il me reste la chimie, avec tous les bordels qu’ils ont installés ça m’étonnerait que je ne puisse trouver un petit truc toxique voire carrément mortel (que demande le peuple). Ce qui est emmerdant c’est que je ne peux pas bouger (enfin si peu qu’il est inutile d’en parler), arrimé sur mon siège comme pour un supplice (je sais j’étais d’accord, mais c’est quand même un supplice). Restent les calmants, à l’aide de la pipette prévue à cet effet (merci les gars) j’arrive à en extirper au moins trois doses (un bug ou une perversité ?). Les étoiles n’ont pas changé de place, mais semblent plus brillantes (ce qui est idiot, dans l’espace les étoiles ne brillent pas) plus accueillantes ( ce qui est de plus en plus idiot). Après un certain temps, de sommeil sans doutes (il y a des horloges dans les vaisseaux spatiaux), la situation demeure inchangée sauf que j’ai soif et heureusement la pipette prévue à cet effet fonctionnait encore (pour les emmerdeurs j’ai douze pipettes, la bite dans une éponge et un tube dans le cul, ça va ?).
Hostile l’espace, très hostile (clin d’œil) même franchement hostile. Les seuls signes de vie (si on peut appeler ça comme ça) sont les borborygmes lancinants de mon épave. Et puis je commence a avoirs des visions, un peu floues au début et de plus en plus nettes tellement que ce n’est plus des visions mais des immersions (c’est le seul mot qui me semble approprié). Une terre vierge de toute présence humaine, luxuriante et magnifique. Et je plane comme un oiseau sans ailes au gré de mes seuls désirs avec une joie indescriptible. Evidemment les retours n’en sont que de plus en plus douloureux (non je ne force pas, très mal de retrouver mes pipettes et les ronronnements asthmatiques de l’engin qui me maintenait en vie). Un détail pourtant aurait du m’alerter, je n’ai ni faim ni soif. Soudain les étoiles commencent à bouger vers la gauche (enfin vers bâbord quoi), je bouge (quand je dis je c’est parce que c’est la première perception que j’ai , en fait tout bouge). Quelque chose nous attire (voilà c’est rectifié) quelque part, et rien de mes détecteurs débiles ne signifie quoi que se soit. Le mouvement s’accélère manifestement, si manifestement que ça deviens vertigineux. Et puis un soleil droit devant qui grossit perceptiblement (y compris pour mes instruments inutiles), et une planète bleue comme un clone de la terre. Je (nous si vous voulez) me rapproche de la planète à une vitesse incroyable. Maintenant je sais comment se terminera ma triste aventure, consumée dans les feux du ciel.
Juste le temps d’avoir peur et conscient de la vanité de nos inconséquences. Je suis nu comme au premier jour, sans pipettes et autres machins. La forêt semble calme avec le doux bruit de la vie (ça me change). Bon mais paumé dans l’espace ou tout nu dans une forêt inconnue j’ai comme une sorte de nostalgie.
Alors j’explore en faisant gaffe à mes pieds beaucoup trop tendres pour ce genre d’exercice (tiens ils n’avaient pas pensé à ça ces connards). Au bout d’un certain temps (j’ai plus d’horloge si tu as suivi) à la faveur d’une éclaircie dans la frondaison il me semble apercevoir ce qui pourrait être une vallée. Et qui dit vallée dit fleuve, torrent, rivière, ruisseau enfin un peu d’eau. Maintenant que j’ai un but tout paraît plus lent et difficile, mes pieds me font de plus en plus mal et les quelques piqûres de moustique plus insupportables.. Mais il y a une fin à tout, et après m’être cassé la gueule plusieurs fois (pourquoi ne pas dire très souvent) je me retrouve au bord de l’eau. Une paisible rivière de montagne qui a creusé sont lit au cours de millénaires peut être plus tumultueux. Je bois jusqu'à plus soif ( je sais c’est un lieu commun, mais pourquoi un lieu moi je penserais plutôt à des chiottes), bref je vais un peu mieux, doucement mais sûrement. Reste à trouver à bouffer, la solution évidente qui vient à l’esprit immédiatement (rivière poisson c’est comme si c’était fait). Sauf que prendre un poisson peut sembler facile, mais a la main, avec une pierre, ou une branche je reste sur ma faim. Assis, contemplatif, le temps passe. Et même si je n’ai pas encore vraiment faim il me faut résoudre ce petit problème rapidement. Malgré tous ces cours de survie ( ou je roupillais en peu) je me sens plutôt démuni.
Bonsoir
(il est vrai que le soleil est bas a l’horizon)
Estomaqué (ce n’était qu’un sursaut viscéral) je me retourne et un grand noir souriant me tends la main (encore plus paumé que dans l’espace).
Comprenant ma stupeur et sans cesser de sourire il ajoute :
Viens.
J’essaie de le suivre, mais lorsque la distance entre lui et moi devient trop grande à son goût il me regarde et la compassion dans ses yeux me force à le suivre encore. Nous allons au fond de la vallée, donc pas trop difficile, en principe car il marche à une sacré allure le bougre. Je ne me demande plus pourquoi il était nu lui aussi tellement son indifférence aux branches ou à l’état du sol me dise qu’il n’avait aucun problème. Le seul truc qui continue à me tarabuster (enfin dans les moments ou je peux me tarabuster) c’est ce qu’il m’a dit .Deux mots seulement et que j’ai compris (je ne crois pas aux miracles mais je vacille). Du coup je n’essaie pas de lui parler de peur de rompre la magie. De toutes façons il s’en fout complètement , il marche et je le suit.
Au bord de l’épuisement (pour moi et pour le jour aussi) il m’indique d’un geste l’entrée d’une grotte (mon discernement s’étant singulièrement atténué je le crois). Pour une fois je le précéde. Après trois ou quatre mètres de ténèbres les parois commence à trembler ,mais ce n’est que la lumière tremblotante de quelques torches un peu plus loin. Je ne me souviens pas avoir été aussi bien accueilli. Nourriture, danses, boissons, femmes, hommes serviables à dévotion, tout comme dans un rêve. Les torches tremblotent toujours (pas elles, la lumière) mais ne semblent pas se consumer. J’entame des approches subtiles (excusez moi on peut rêver) avec une petite brune qui me rends mon sourire (j’aurais du me méfier elles avaient toutes le sourire).
Chaud, très chaud, si je ne bouge pas de là je vais rôtir. Je dévale la pente afin de trouver un endroit plus propice à réflexions. Putain, j’étais au flanc d’un volcan pas vraiment d’humeur rieuse. Bon, il n’apparaît que crachoter. J’ai trouvé refuge sur quelques lichens, mais plus bas de vertes prairies m’attendent. J’en profite pour me rouler dans l’herbe comme un môme. Et puis je me met à réfléchir (pas en roulant évidemment). Si je ne suis pas l’objet d’illusions, quelqu’un fait joujou avec moi. Et surgissent alors les questions fondamentales : qui , comment , pourquoi, et ou. Pas de réponse pour le moment mais je ne désespère pas. Il y en a un qui va me fournir des réponses, cet enculé de berger avec son troupeau de brebis et ses chiens bruyants (très bruyants). Ceci dit c’est ce qui m’a permis de les repérer (ne tue pas le fils avant d’avoir baisé sa mère, c’est un proverbe de source inconnue et qui le restera). D’accord mais ils sont loin mine de rien, et quand je vais les rejoindre j’aperçois une cabane de berger. Tout à fait normal pour un berger, pour moi non. Je n’ai jamais rien vu de construit sur cette foutue planète. Alors je me planque et j’attends.. Après quelques lueurs de sa lampe à alcool (je suppose) il a du s’endormir (et moi aussi). Le lendemain (je suppose toujours, tout est tellement bizarre sur cette planète) les brebis, le berger, disparus (j’ai peut être dormi un peu trop longtemps). Je vais fouiller sa tanière et rien, une fée du logis ce mec. Je pourrais suivre les traces des chèvres c’est franchement facile mais j’en ai ras le cul (je sais c’est vulgaire). Je profite seulement de l’abri pour me planquer du soleil qui commence à taper dur. Au bout d’un moment je me décide à suivre les chèvres (on aura tout vu). C’est pas rapide un troupeau de chèvres mais moi non plus. Je suis complètement crevé, j’ai faim, j’ai soif et j’ai mal partout. Le sommeil réparateur n’a rien réparé du tout ou alors personne ne m’a prévenu. Les traces (des chèvres) persistent à flanc de montagne, je décide brusquement de descendre plutôt que de poursuivre un inaccessible berger. Et voilà qu’un peu plus tard j’aperçois un village. Si, si un village mais sans église (ici c’est peut être pas dans les coutumes locales). Tout paraît normal, un village vivant avec ses commerces, ses passants, et même un café bar qui me tends les bras. Sauf que personne ne semble me voir et que je les traverse comme s’ils n’existaient pas. Ou je suis un fantôme ou c’est le village (ne pas oublier que je suis toujours nu comme un ver). Prenant mon courage a deux mains (oui à une seule ça fait pas sérieux et peut porter à confusion) je me dirige fièrement vers le bar. Je me cogne à la porte en entrant (preuve que je ne suis pas seulement fantomatique) et vais m’asseoir à une table libre. La serveuse est insensible à mes appels répétés et voilà qu’un gros con (un con maigre ça fait pas sérieux) vient s’asseoir à ma place (non, non, je ne délire pas, ce mec est assis à ma place). C’est l’allumette qui fait déborder le vase (je sais c’est facile) , je me lève et sors. Rien à espérer de ce village quoique si les murs sont solides, la bouffe l’est sûrement aussi. Je fais le tour du bâtiment trouve la sortie de secours (et les poubelles heureusement). Quelques temps plus tard un petit escogriffe (je sais c’est facile) vient jeter un grand sac dans une des bennes prévues à cet effet. J’entre dans la cuisine, repère la friteuse (c’est ce qui semble le moins risqué) et là j’ai quelques instants de jubilation à voir son incompréhension devant la disparition de ses beignets. Pas fameux mais tellement agréables à manger, ensuite j’ai fait un tour dans la cave (j’aurais pas du).
J’ai pas la gueule de bois juste un relent de friture mal digérée. La plage est parfaite et les vagues idéales pour faire du surf. J’aurais l’air moins con avec un peu de monde (voilà que j’avais oublié ma nudité). Le temps, l’espace tout ça commence à me sortir par les trous de nez Je rampe dans un coin à l’ombre et je m’interroge (je ne sais pas comment on fait mais ça arrive). Si je dois continuer à explorer des pseudos mondes virtuels (non, j’ai pas de revolver). Il sourit comme le noir d’hier (ou d’avant hier peu importe) assis tranquillement à coté de moi. Tout bleu, ça frappe même mon esprit égaré.
Je dois t’expliquer certaines choses.
( il serait temps).
Je suis le maître de ce monde.
(je suis prêt a accepter n’importe quelle baliverne).
Tu n’a qu’un prix, celui de venir d’une terre lointaine qui m’est chère.
(là je disjoncte un peu).
Je te renvoi d’ou tu viens mais à une condition
(dans l’état ou je suis j’accepterais n’importe quoi).
Etre mon messager.
(je rigole intérieurement).
C’est une décision sérieuse, très sérieuse.
(ok pépère pas de problèmes, même en bleu)).
Alors attends toi au pire.
J’ai les pieds dans le mazout et un quadri réacteurs me vrille la tête, le bruit de fond du pont de l’autoroute m’est familier. Un jour ordinaire comme j’aimais avant (avant quoi ?). Je suis toujours à poil et ce canal ne m’inspire pas confiance ( pas l’odeur immonde mais comme un sentiment d’insécurité). Après plusieurs tentatives pour escalader ces stupides rives bétonnées me voilà, toujours à poil, parmi quelques badauds désœuvrés. Les seules femmes font du jogging et rigolent en me voyant. Je suis pétrifié sans même le réflexe de pudeur naturel (pas si naturel que ça). Heureusement un SDF qui traînait par là m’apporte une sorte de couverture qui me permet de me couvrir (je sais encore ce qu’est une couverture). Il me rassure de chaleureuses claques dans le dos et m’offre de le suivre pour boire une café chaud. Son copain a peut être du chaud mais du café sûrement pas. Et fusent les premières questions.
Tu sors d’ou mon con ?
Si tu t’habilles pas tu vas avoir des problèmes, sans parler de l’hosto et ça c’est pas de la rigolade.
Devant mon hébétude non feinte il rectifie le tir.
T’est amnésique ou quoi ?
Je prends la perche tendue comme un naufragé une planche de bois pourrie.
Je ne me souviens de rien, pas même de mon nom.
Ok, je vais te trouver des fringues et puis on va parler. Il paraît que ça aide.
Ouais (je ne trouve rien d’autre à dire).
Dans sa tanière, un vieux conteneur complètement rongé par la rouille (pas inutile, sinon on ne distinguerait rien). Il m’offre quelques hardes à la puanteur repoussante et me signifie de m’asseoir sur une vieille caisse tandis qu’il s’allonge sur une paillasse entourée de reliques indéfinissables. Pour ce qui est de parler c’est pas la joie, mais je lui en suis presque reconnaissant.
Soudain il sort d’une planque inavouable une bouteille d’origine inconnue, s’en tape une bonne dose et me la tends gentiment. Je sais pas d’ou ça vient mais ça arrache. Au point ou j’en suis pourquoi pas. Je la lui rends en même temps qu’une violente chaleur envahit mon estomac et puis le reste.
C’est mieux pour parler, non ?
Et là, je lui raconte tout. Dans l’ordre et dans le désordre.
Il ne m’interromps pas et paraît écouter vraiment (étonnant non). Mais son diagnostic est sans appel.
J’ai connu en mec comme toi dans le temps. Après la guerre il avait fait trois ans dans un hôpital psychiatrique. Il n’a jamais remis les pieds sur terre. Je crois qu’il traîne encore du coté de la gare. Moi j’évite c’est pas sur.
Dis moi c’était quoi le message ?
J’en reste baba. C’est vrai ça. Bon, j’ai pas eu beaucoup de temps pour réfléchir mais quand même. Un messager doit transmettre un message (comme son nom l’indique). A l’aller, au retour (non, pas ça) ou les deux..
Euh, je ne sais pas.
Il me regard descends une autre rasade et m’offre à nouveau la bouteille. Je refuse d’un signe de tête puis je me lève.
Si, t’as envie de te casser, fais comme tu veux mais tu vas pas aller loin comme ça.
J’hésite, mets les mains dans ce qui reste des poches de ma veste (enfin celle que je porte). J’essaie de faire quelques pas mais il y a tellement de bordel que je renonce et demeure immobile un instant. Je voudrais le remercier mais ne sais pas trop quoi lui dire, puis je sens quelque chose au fond d’une des poches. Cinq cents dollars, il est encore plus surpris que moi.
Eh, d’ou tu sors ça ?
Ben de ta poche.
Me prends pas pour un con, tu crois vraiment que…
Je lui tends les billets.
Il me fixe longuement et les prends en souriant.
Merci.
Non, c’est moi qui te remercie, pour tout.
Et, je sors retrouver l’air pur (enfin c’est relatif) mais au moins il est frais.
Il me rattrape en soufflant.
Tiens, tu peux pas partir sans rien. Et puis je sais pas d’ou ils sortent.
J’accepte les cent dollars et lui tends la main. Après une hésitation perceptible (il a perdu l’habitude sans doutes), il se plie au rituel.
Les premières enseignes néonisées (oui, je sais) m’indiquent la direction à suivre.
Le patron du snack fait la gueule en me voyant entrer. Je montre mon bifton comme un passeport et il acquiesce d’un bizarre mouvement du menton. J’ai faim, mais commande léger (faut pas abuser). Je m’installe dans le coin le plus désert et commence (enfin) à cogiter. D’après le calendrier et l’horloge derrière le comptoir je suis parti depuis un peu plus de trois jours. Quasiment impossible. Retourner au centre n’est pas une bonne idée. Avec mon histoire je ne suis pas près d’en sortir sauf peut-être pour l’hôpital psychiatrique. Je vais d’abord aller voir Frank, un vieux copain astronaute comme moi. Je verrais bien comment il va réagir. Je me sens mieux, le ventre plein et un plan d’action (même très vague c’est un plan). J’ai envie de pisser. Dans les toilettes je me retourne pour me laver les mains (un vieux réflexe) au lavabo. Enfer et damnation (j’aime bien cette expression) je ne connais pas l’homme dans la glace. Encore un tour de cet enfoiré. Décidément il ne m’épargne rien et mon plan très vague a coulé à pic et moi avec (touché coulé). Je me regarde cherchant désespérément quelque chose de familier dans ce visage inconnu. Au bout d’un moment je dois reconnaître que dans l’absolu je n’ai pas perdu au change. Plutôt fascinant. Mais bon, maintenant je suis complètement dans la merde. Seul, sans argent (ou si peu), sans identité, réduit à un tas de souvenirs susceptibles de m’envoyer directement à l’asile (même avant, le projet était classé secret défense). Et en plus habillé comme un clodo pas frais. Je sors directement (le patron m’a fait payer tout de suite, pas fou le mec). Près de minuit et autant de piétons qu’au milieu du Sahara, seulement des phares et des bagnoles derrière (heureusement). Je me dirige vers les pulsations lumineuses d’un quartier moins paumé (on peut espérer). Les lumières , la nuit, c’est comme les étoiles tu crois que c’est à coté. En marchant je passe devant un hôtel miteux. Pourquoi pas (ça ira avec mon costume trois pièces).
La chambre est moins pourrie que prévu. Une vieille télé, un lit défoncé (bien sur), pas de rideaux. Lumière éteinte j’y vois mieux qu’un soir de pleine lune. Je m’allonge (mine de rien je suis crevé) et allume la télé.
Je zappe machinalement incapable d’accrocher mon esprit sur une des séquences qui défilent. Je me réveille avec le générique d’un journal télévisé. Le soleil pointe à l’horizon (ce que je ne vois évidement pas), en tout cas la nuit s’éclaircit sérieusement. Guerres, attentats, catastrophes (naturelles ou pas), politiciens péremptoires, faits divers, résultats sportifs, je suis bien sur notre bonne vieille terre. Je vais pisser dans le lavabo (ah oui, j’ai oublié le lavabo) et décampe. Il faut que je change de fringues. Je me renseigne auprès de quelques âmes errantes comme moi. Il existe bien des centres d’aides aux sans abris mais pas vraiment dans le coin. Bon, de toutes façons je ne vois pas grand chose à faire d’autre. Ca commence à grouiller, l’enfer urbain s’installe. Agitation, bruit et pollution. Bien sur, pour les vêtements c’est pas la bonne adresse. Et je repars (je commence à fatiguer). Mon nouveau corps n’est pas au point coté athlétique. Je m’appuie à un distributeur de journaux. En face, la vitrine d’une agence de voyage affiche des images à rêver.
Je suis assis sur un rocher au sommet d’une gigantesque chute d’eau devant la mer. Le soleil levant dessine des reflets dorés sur les nuages et les eaux. Une musique planante ou des chœurs, je ne sais pas. Joie et sérénité.
Je me prends une déferlante en pleine gueule. Je suffoque un peu, tousse, et fais gaffe à la suivante. Entre deux vagues j’ai de l’eau jusqu'à la taille. Une immense fureur monte en moi, mais je n’ai pas d’exutoire (personne à engueuler, rien à casser). La plage est déserte et ressemble à la photo de l’agence (j’ai du tomber dedans). Je suis encore à poil. Plutôt plat le paysage, des arbres, de la verdure mais pas la moindre colline. Je marchais dans la rue, maintenant c’est sur la plage et je ne sais pas ou je vais.
Le vent marin dissipe la chaleur ambiante. Un climat presque idéal. Putain qu’elle est longue cette plage. Enfin j’aperçois quelques maisons blanches enfouies dans la végétation. Puis un groupe de jeune gars en discussion animée (mais allongés tranquillement sur le sable). Hilares ils sont en me voyant approcher.
Hé ! C’est pas naturiste ici. T’a perdu ton maillot de bain ?
Euh, en quelque sorte oui.
La, ils se marrent franchement.
Attends je vais te trouver quelque chose.
Un des gars se lève et part vers les habitations.
Et vous qu’est ce que vous faites ici ?
Ben, on vient de finir la pêche, alors maintenant relax.
C’est la belle vie.
Ouais, on s’emmerde un peu. L’antenne satellite est naze, on a même plus la télé.
L’autre revient avec un vieux short, façon armée coloniale anglaise (beaucoup trop grand pour moi).
Tiens il était à mon grand-père.
Il a pensé à tout et ramené aussi une ceinture. Je le remercie (en me demandant s’il ne s’est pas foutu de ma gueule), m’habille et on est presque à égalité (presque parce que je dois avoir l’air con). Comme ils commencent à poser des questions, je choisis la diversion.
Elle est ou votre antenne satellite ? Je pourrais peut être faire quelque chose (ma longue formation à presque tout va-t elle enfin me servir ?).
Ils sont partants et tous debout comme un seul homme. Je continue dans la même veine tandis que nous marchons.
Vous n’avez pas de technicien pour réparer ce genre de panne ?
Il doit arriver par le bateau, la semaine prochaine.
Ah, je vois (ou suis-je tombé encore).
Le bled n’est pas très grand, néanmoins les boutiques vitales sont présentes et aussi un bar.
C’est à la mairie, on est presque arrivés.
République Française, c’est ce qui est écrit au dessus de l’entrée. Je ne dis rien. J’’ignorais parler le français.
Le technicien, prudent ou flemmard, à laissé un maximum de matériel. Tout bon pour moi.
Laissez-moi, je vais voir ce que je peux faire.
Une fois seul, j’examine l’installation. Ils se sont installé un vrai réseau, dans ce coin perdu. Le village n’est pas bien grand mais ça laisse rêveur. Quelques heures plus tard je contemple l’écran de contrôle assez satisfait, vérifie une fois encore l’ensemble des chaînes et attends un peu par précaution.
Dehors, les gars ont rameuté du monde.
Ca marche chef, c’est super.
Et j’ai droit à quelques applaudissements, et lève un instant les mains en souriant. Un grand type m’observe attentivement, le flic du bled je suppose. Son uniforme est discret et adapté mais c’est bien un flic. Il se dirige vers moi et me tends la main.
Merci.
C’est rien, j’ai fait ce que j’ai pu.
Dites-moi, vous venez du « PRANA » ?
Devant mon air ahuri il explique.
L’hôtel de l’autre coté de l’île.
Ah ! Oui, (il faut que j’invente une histoire vite fait) je faisais un peu de planche, je débute, j’ai pas mal dérivé puis je suis tombé et j’ai préféré rejoindre la côte. Après j’ai marché sur la plage très longtemps (ouf, je ne sais pas si c’est très crédible).
Dans le mauvais sens, mon gars, dans le mauvais sens. C’est étonnant qu’ils ne soient pas venus à votre secours. Ils ont un service de sécurité.
Oui, je sais. J’étais déjà très loin quand je suis tombé (ça commence à sentir mauvais).
Il me regarde un moment et change de sujet (ouf).
Vous savez, on ne les a autorisé à s’établir là bas que s’ils ne venaient pas nous emmerder. C’est pour ça qu’il n’y a même pas de route. En revanche on a un joli petit port, notre réseau télé et Internet, et d’autres petites choses.
Vous vous êtes bien débrouillé.
Quel est votre nom ? Je vais les appeler pour qu’ils viennent vous chercher.
La situation devient très difficile (je suis coincé, oui ). Heureusement un des gars (celui du short) arrive en courant.
Chef, ça déconne encore. Pas comme avant mais…Venez voir.
Et il m’entraîne en me prenant par le bras. Le flic ne dit rien, il a tout son temps.
Les mêmes que sur la plages vautrés dans un immense canapé devant un superbe écran plasma (d’autres petites choses…).
Regardez ! Depuis cinq minutes on a ça sur toutes les chaînes.
Ça, c’est un type qui parle et il est bleu.
En plus, on comprends rien, on dirait du russe. Tout à l’heure c’était du chinois ou un truc dans le genre.
Moi, je comprends. Je ne pourrais dire si c’est du russe ou du chinois mais je comprends. Une sorte de doublage instantané.
Regardez, ça va recommencer.
Pour l’instant, une splendide vue de l’espace. Et effectivement ça recommence.
On dirait de l’espagnol ou du portugais.
Je ne peux rien dire mais j’écoute la totalité du discours. Après je n’entends plus rien, déconnecté. Les exclamations bruyantes de mes hôtes me ramène sur terre. Manifestement on est arrivé au français. Je ne fais pas la différence pourtant il y a de petites nuances. Impossible de dire exactement la même chose dans plusieurs langues. Maintenant ils sont silencieux, un peu sonnés.
J’y crois pas, c’est une blague.
Sur toutes les chaînes ?
Et alors, le proprio du satellite y fait ce qu’il veut.
Pas vraiment, il a des contrats à respecter.
Il suffit d’attendre, on verra bien s’ils vont se balader au dessus de toutes les capitales.
Il a bien dit qu’on avait testé un mode de voyage interstellaire ?
Ouais, j’étais pas au courant, sûrement un « black program » américain, ou russe, ou chinois.
En jeu vidéo, oui.
Et pourquoi il était bleu d’abord ?
Il a bien dit que ce n’était pas sa véritable forme juste une image et bleu pour nous habituer à l’étrange aspect des formes de vie.
C’est trop facile, il y a bien une fille en bleu dans « Farscape ».
Et si c’était vrai ?
Ben, pour nous ça change rien. On en à rien à foutre.
Et Dieu ?
Quoi, dieu ?
T’a entendu parler d’extraterrestre dans la bible toi ?
Bordel !
Je les écoute sans intervenir ou presque comme un avant-goût des débats qui allaient envahir la planète.
On sonne.
C’est le flic qui vient aux nouvelles.
Salut, les gars.
Veuillez me suivre Monsieur, j’ai quelques questions à vous poser.
Il marche à l’allure d’ un touriste désœuvré. Et il me fait de la pub pour son patelin. L’histoire, les résidents, les commerces, les passants, les gamins, le climat. J’écoute distraitement, il le sait et s’en fout. Arrivés à son bureau, il lâche sur le même ton :
J’ai téléphoné à l’hôtel. Pas de problèmes, il ne manque personne. Bizarre, non. Qu’en pensez-vous ?
(je suis très mal barré)
Bon, écoutez, je vais vous dire la vérité (juste la dernière partie).
Je ne sais pas comment je suis arrivé ici. Tout ce dont je me souviens c’est que je me suis pris une vague dans la gueule, bu un peu la tasse et marché sur la plage. Avant, je ne sais pas.
Silence.
Je vais prendre vos empreintes et quelques photos, d’accord (ce n’est pas une interrogation).
Voilà, c’est parfait.
Dites-moi, vous avez vu la télé. Qu’en pensez-vous ?
Euh, si c’est vrai …
Il regarde souvent son portable.
C’est vrai. Ils survolent les principales capitales. Certains pays ont bien envoyés des intercepteurs. Nous ne sommes que des enfants turbulents (serait-il moins con qu’il en a l’air ?).
Comme je ne dis rien, il m’invite à sortir. Il a raison, cette île est une véritable prison (nettement plus agréable). Le soir se couche (pourquoi pas), je commence à frissonner. Je retourne chez mes découvreurs. Parfois on me dit bonjour avec un sourire (rafraîchissant). Ils ont l’air ravis de me revoir. Je ne comprends rien à leurs manifestations simultanées. On m’entraîne à l’étage. Une chambre luxe, chaîne hi fi, télé plasma, lit grand format, salle de bains et toilettes. Ils me laissent gentiment en me faisant signe de dormir (universel, les sourds ont-il des langages différents suivant les pays?) . Mes neurones sont en surchauffe, je suis habitué maintenant. En tout cas aucune pensée cohérente ne me transperce de son évidence. Des DVD pornos sous la télé (on pense vraiment à tout ici) et un tas de magazines (pornos aussi) sur la table basse devant la fenêtre. Ca me titille dans la tête mais mon corps ne semble pas connaître ces émotions. Je me tâte les couilles pour voir (façon de parler). Tout va bien. Je suis dans le potage (et l’homme en bleu de la télé n’arrange rien). Je feuillette fébrilement en espérant trouver une pub (tomber dans les photos c’est peut-être mon truc). Le lit est super, un vrai coussin d’air.
Je suis encore à poil, comme les autres, sauf les caméramans et les superviseurs blasés (supervoyeur ou plus sûrement supermacs, oui) . On tourne un film, c’est sérieux. C’est ce que me dit le gars qui vient se soucier de ma forme.
Une plus très jeune avec des petits seins qui tombent (j’adore aussi) vient s’occuper de moi (me préparer , et elle sait y faire). Quand le mec revient en manipulant ses fiches (faute de mieux) et m’interpelle.
T’es pas dans le casting, connard Je sais pas comment t’es entré, mais je sais comment tu vas sortir.
Et il me bouscule vers ce qui ressemble à un vestiaire. La fille offre gentiment de me terminer avant.
Toi, ta gueule. Y’en a marre de ces connards (sont vocabulaire est assez limité).
Allez, dehors et magne toi le cul (approprié).
Il remmène la fille et retourne à ses gratifiantes occupations. Pour le coup (si on peut dire), j’ai du pot. Je vais pouvoir m’habiller gratis et même choisir. Je m’éclipse discrètement (c’est rare de s’éclipser bruyamment, sauf pour faire drôle). Tenue sport sympa (un peu grande), avec en bonus un portefeuille correctement rempli, je suis paré (pourquoi est une autre affaire). J’ai peut être intérêt à m’éloigner rapidement de cet endroit. Il y aura bientôt un grand gars qui serait ravi de me démonter comme un meccano. Je monte dans un bus qui passe (évidemment) et prends un billet pour le terminus. Ca discute ferme sur les extra-terrestres. Reagan lui-même (enfin celui qui avait écrit son discours) avait pensé qu’une menace venue de l’espace ferait taire toutes nos divergences. De ce que je peux entendre (bien sûr, aucune menace n’a été formulée) c’est apparemment le contraire. Et en plus c’est tout juste s’ils ne s’engueulent pas. Le bus paraissant (oui les bus aussi) s’éloigner d’un quartier vivant et animé, à l’arrêt suivant je change d’ambiance (je descends). Catapulté par terre (ça fait mal), je me relève et cherche autour de moi. Un type en rollers se tâte le visage, çà saigne et il est pas content du tout. Quand il me voit ramasser son portable (téléphoner en roller !) il devient carrément fou et me tombe dessus.
Tu vas me le rendre salaud, c’est le mien. Tu voulait me le piquer en plus.
Il me file un coup de latte dans les couilles (mon vocabulaire s’adapte à la situation). Deux flics (les flics passent aussi) interviennent (mais ils ne peuvent rien pour moi) calment le furieux et attendent que je sois de nouveau disponible. J’essaie d’expliquer la situation, mais l’autre donne sa version en même temps. Je ne sais s’ils (les flics) ont compris quelque chose.
Bon, vos papiers.
L’autre tends une carte et moi je suis comme un con. Finalement un des deux fouille dans ma veste, puis dans le portefeuille, me regarde.
Retourne toi (et clac pour les menottes).
L’autre veut récupérer son portable.
Non, vous venez aussi avec nous pour la déposition.
Le poste n’est pas loin mais, quand nous arrivons, légèrement surbooké. On nous assoit loin l’un de l’autre.
Ne bougez pas de là.
Je pourrais essayer de réfléchir mais, avec les menottes dans le dos et le bordel ambiant, j’ai du mal.
Et puis c’est passionnant en fait, je crois comprendre quelques bouts de vies, brins d’un gigantesque reseau qui palpite à son rythme. La pauvreté, la détresse, la violence, quelques fois la compassion, jamais l’amour. Deux heures plus tard, un inspecteur vient vers moi (son nom est sur son badge, mais je m’en fous).
Bon, à nous.
Il me retire les menottes en maugréant (contre un imbécile sans doutes). .
Suivez-moi.
Son bureau est plus en désordre que mon esprit (c’est tout dire).
Asseyez-vous.
Je viens d’entendre l’homme que vous avez agressé. Maintenant je voudrais votre version.
Je m’exécute (bourreau et victime ?) le plus exactement possible, avec quelques pauses pour lui laisser le temps de taper sur son ordinateur (tout le monde comprends mais c’est débile). Il imprime tout ça, l’air satisfait, me demande de relire et de signer.
Dites, c’est tous les jours comme ça ?
Oh non ! Je sais pas ce qu’ils veulent vraiment. Mais pour foutre le bordel, là bravo. Tout le monde voit des extra-terrestres partout. Avec toutes les plaintes enregistrées ont pourra bientôt écrire l’histoire de la ville entière (il exagère un peu). Bon, passons à notre deuxième affaire, plus sérieuse celle là (ma petite diversion n’avait aucune chance de réussir).
D’ou sort ce portefeuille ? Et qui êtes-vous ?
Ca fait deux affaires (idiot, mais ça m’a échappé).
Faites pas le malin (nettement crispé maintenant).
Je vais rejouer le coup de l’amnésique, un peu aménagée (aucune autre idée en tête).
Je ne sais pas qui je suis. Tout ce dont je me souviens c’est du parc….
Quel parc ?
Euh, je sais pas justement, mais il doit bien y en avoir un puisque je suis ici (ouf, j’ai pas trop bafouillé).
Il rigole et hurle à la cantonade (marrant ça vient de canton, mais les cantons ont grandit depuis).
Eh les gars après les extra-terrestres on à un nouveau John Doe (il n’
a pas tout à fait tort).
Et t’étais tout nu sur la plage, hein !
Tout le monde me regarde en souriant bêtement (à mon avis).
Non, non juste en tee-shirt. J’ ai piqué la veste sur un banc parce que j’avais froid avec le vent (c’est vrai qu’il y avait du vent).
Debout ! Juste pour voir.
Je me lève (la catastrophe arrive à grand pas).
Tu trouve pas ces fringues un peu grandes pour toi ?
Oui, un peu (piteux).
Tu les aurait pas piquées aussi (sont sourire s’est envolé et j’aimerais bien en faire autant) ?
Non,je ne me souviens pas.
Il fait signe à un uniforme.
Allez, empreintes, photos, et en attendant les résultats, au trou.
Un grand couloir avec une quinzaine de cellules. Je suis entre un poivrot qui ronfle et un camé qui tremble dans sa transpiration. Plus loin, un hurleur dont on ne comprends que les jurons. L’odeur devient supportable au bout de quelques minutes.
Plus les heures passent (c’est fou tout ce qui peut passer) et plus la situation me paraît délicate (pour rester poli). Ils ont viré le poivrot à peine réveillé et embarqué camé et hurleur à l’hôpital (sûrement pas le même). Tout est calme quand ils (en fait il est seul, mais ils changent) arrivent avec un plateau repas (je crois que je suis bon pour la nuit). Pauvre Lord Sandwich, s’il voyait ce qu’on a fait de son invention (je veux parler de ces machins triangulaires). Enfin, j’ai au moins de l’eau fraîche. Je n’ai pas de photo miracle sous la main et puis l’idée de me retrouver encore à poil, je ne sais où, ne m’enchante pas plus que ça. Alors je m’allonge sur le banc (pas confortable le bois brut) pour tenter d’imaginer tout ce qui me viens a l’esprit. Habillé dans une chambre d’hôtel que je connais. Habillé sur une chaise longue dans un jardin de ma jeunesse. Habillé….De temps en temps ils amènent un nouveau pensionnaire. Les lucarnes diffusent une franche lumière qui ignore sur quoi elle tombe. Le matin est là et moi aussi. Je suis presque soulagé lorsqu’on vient me chercher. Par rapport à la veille c’est calme (le venin et les rancœurs s’épuisent aussi). Le même inspecteur qu’hier (mais soucieux aujourd’hui) m’invite à m’asseoir .
Ca se complique mon vieux. J’étais d’avis de vous faire juste examiner à l’hôpital. Mais voilà, on a déposé une plainte pour vol. Vous devinez de quoi ?
J’opine (marrant le verbe opiner).
Evidemment, la version du plaignant diffère notablement de la votre (soucieux mais très classe). Alors nous avons fait une petite enquête. Le problème c’est que personne ne sait comment vous êtes entré dans ces … Disons, studios. Et qu’on a pas la moindre trace de vos vêtements. Alors ?
Je préfère me taire.
D’accord, donc direction le psy et après on verra bien.
Le flic me fait traverser un grand jardin (ou un petit parc) bien entretenu, peuplé de créatures improbables (probablement bourrées de neuroleptiques) et de gentils surveillants tout blanc. Au deuxième étage, le médecin nous attends (prévenu par la réceptionniste). Son sourire artificiellement chaleureux aurait plutôt tendance à me mettre en rogne. La pièce est impressionnante, bibliothèques, tableaux, large fenêtre, bureau relativement modeste (en dimensions), il m’invite à m’asseoir (je sais on m’invite beaucoup mais pas à sortir) lui même profitant de son somptueux fauteuil.. Il me parle, mais je n’ai pas envie d’écouter. Je regarde le tableau derrière lui. Mais il est malin, se tait un moment, puis se retourne pour se mettre à l’unisson.
Fascinant, n’est-ce pas ? J’aime beaucoup ce…..
Au moins cinq mètre sous plafond, une lumière superbe, la campagne jusqu’au bord des porte-fenêtres, et des toiles partout, je reconnais le style. Un atelier exposition, assez ostentatoire pour une expo assez dérangé pour un atelier. Je suis apparemment seul et toujours habillé. Fantastique (mon auto-conditionnement de la nuit a peut être servi à quelque chose). Quoique. Si je tombe aussi dans les tableaux (il va falloir me discipliner). Un bruit, juste un chat qui vient aux nouvelles. Je visite, sympa, on sent le fric. Panneau d’alarme près de la porte d’entrée (et de sortie). Justement, je ne sais pas si je vais pouvoir sortir facilement avec ce truc. Bureau high-tech, avec cependant quelques traces personnelles. Diverses récompenses et photos dont une bien en évidence.
Je n’y vois plus rien. Un temps d’accommodation plus tard, je crois savoir ou je suis. La photo avec Bill et Hillary dans le bureau ovale ! Je vais avoir la sécurité sur le dos dans les cinq secondes. Non ? Non. Mais si je bouge. Non ? Non. Je vais m’installer dans le fauteuil présidentiel (pauvre petit plaisir, je sais). J’attends. Quoi, je ne sais pas. A force d’être baladé comme une feuille morte (sans rien comprendre à ce qui m’arrive) je commence à déprimer (ma situation ne s’arrange pas vraiment à chaque fois).
Les lumières s’allument (ça bouge). Entrent deux gars de la sécurité avec une femme de ménage. Ils inspectent minutieusement la pièce avec l’aide de plusieurs gadgets électroniques tandis qu’elle époussette pour la forme (tout est déjà nickel). Bien. Je suis à nouveau virtualisé. Comme la porte est restée ouverte, j’en profite. Visite non guidée de la Maison Blanche, du jamais vu. Ce qui me gêne c’est de toujours devoir ouvrir les portes (je dois faire gaffe et bien écouter avant). Je profite le plus souvent des déplacements du personnel et leur passe (décidemment) au travers (j’aime pas ça). Peu de monde encore, quelques bureaucrates apparemment occupés (pas forcement à ce pour quoi ils sont là) et des gars qui n’ont rien à foutre là. C’est un vrai labyrinthe (132 pièces, 6 étages, 412 portes, 8 escaliers, 3 ascenseurs et j’en passe, de toutes façons je n’en sais rien). Au hasard de mes investigations ( si les flics investiguent comme ça, rien ne peut surprendre) nous entrons (le type qui ouvre la porte et moi) dans ce qui semble le poste central de surveillance. Un nombre incroyable d’écrans et presque autant de mecs hypnotisés, mais sans le son (secret oblige). Il y en a un à part, lui ne voit rien, n’entends rien il enregistre pour on ne sait qui (n’on t-il plus confiance aux transmissions sécurisées ?). Ca y’en a être une invention formidable, le badge à la poche de la veste (comment pas de veste ?). En tout cas je sais qui il est et pour qui il bosse. Pas pour la même maison que les autres en tout cas. La majorité des écrans montrent une petite salle ou le président, quelques fortement galonnés et costumes trois pièces repérables ( même dans une soirée mondaine) s’impatientent. C’est vrai, bon dieu, j’avais presque oublié la prise de contact (si, si, je n’y pensais plus). Puis l’homme bleu apparaît, attends d’avoir capté l’attention, et commence un show qui laisse les autres bouches ouvertes (comme de parfaits abrutis). Toutes les demi secondes environ (j’ai pas de chronomètre) il change de forme. Hallucinant. Je suppose que c’est un aperçu des différentes formes connues de vies intelligentes. Au moment ou je penche (très dangereux) pour une projection holographique, il redevient l’homme bleu et serre la main à tous les hébétés. Il reste immobile moins d’une minute et si certains reprennent une attitude plus conforme à leurs statuts, on sent qu’il se passe (et oui encore) quelque chose. Et ? Plus rien, parti, évanoui, évaporé… Manifestement tout le monde parle en même temps maintenant. Ca ne m’intéresse plus vraiment (d’autant qu’on entends rien, je rappelle). L’à part se défile, je le scotche . Ce mec est tellement paranoïaque (ou professionnel) que j’ai bien failli ne pas m’apercevoir qu’il avait glissé un truc entre deux billets en échange d’un hamburger dégoulinant. Je le laisse filer (en principe je sais comment le retrouver). Pas vu ou l’autre l’avait planqué. Je me demande pourquoi je phagocyte (il ne se rends compte de rien pourtant j’ai cette impression désagréable) l’espace de ce pauvre type. Il doit bien y avoir une version « officielle » bien que « top secret ». je m’éloigne un peu mais je suis trop distrait par les passants et surtout les passantes (décidément si ça ne passe pas je vais être en manque). Pas désagréable la virtualité. Bien sur il y a des moments (frustration positive). Je débloque ou quoi ? Frustration positive, je n’ en crois pas mes neurones. Tiens justement en voilà un. Il repart avec son hamburger comme un lampion, loin devant lui. Je n’ai rien vu mais je l’emboîte
Je n’ose plus regarder les murs (les photos, les tableaux, pour le moment j’évite). Ils sont trois et maintenant quatre avec le mec qui me transporte (façon de parler) .Petit signe de connivence, manipulations techniques, et nous revoyons le « contact », avec le son. Au début ça ne sert à rien sauf à rendre plus évident le malaise ambiant (passons sur les bruits du vivant). La fin est plus intéressante. Un léger ajustement technique et tout est clair. Retour arrière, et on dispose du discours (c’est idiot puisqu’il ne parle pas, mais on entends) intelligible.
En résumé, c’est un représentant d’une sorte d’ONU (on sait ce que ça vaut). Il nous assure ne pas vouloir interférer dans nos affaires mais (il y a toujours un mais sinon il ne serait pas là.) interdiction absolue de poursuivre nos expérimentations sous leurs formes actuelles Nos méthodes entraînent des instabilités dans les structures spatio-temporelles (les détails techniques ne pourrons être fournis vu que je n’ai pas d’adresse). Leur intervention a certes coûté la vie d’un astronaute (paix à mon âme) mais épargnée celles de milliers d’autres Et pour finir (aveu ou menace diplomatique) il nous signale calmement l’existence de tendances musclées désireuses de transformer la terre en une mer de lave bouillonnante.
Ca ne change rien à notre plan.
Je ne sais pas qui a parlé et comme ils opinent tous (j’adore, et à trois c’est pas trop dur) je ne le saurais jamais.
Eux, ils sont pas cons, pas de badges. Je décide d accaparer le vieux du bout de table (s’ils sont aussi débiles que nous c’est sûrement le patron).
Cadillac rallongée, climatisation, bar, télé, vitres miroirs (voir sans être vu, réminiscence animale). Je cherche encore le téléphone quand il se manifeste ( « Ainsi Parlait Zarathoustra », même sur un portable ça surprends). Aussi bavard qu’un crocodile le fossile. Plus je le regarde plus j’ai l’impression de voyager avec une momie.
Je ne sais pas ou je suis alors je m’imprègne du lieu . Hé ! Mais la momie marche vite. Bon, je sais qui il est, son job, et alors ? Alors j’en ai marre, vous pouvez pas imaginer
Je rentre machinalement dans le premier bar venu, besoin de me secouer les neurones. L’absence de réactions me rappelle à ma virtualité. Et je reste comme un con (une fois de plus) à fixer l’omniprésente télé diffusant pourtant des fadaises inhabituelles. Les religions éclatent ou s’éparpillent encore un peu plus. De nouveaux prédicateurs et illuminés surgissent de partout. Les intellectuels n’ont pas encore pris la mesure des événements et ne savent miraculeusement pas quoi dire. Les experts eux ne sont jamais à cours d’idées (il faut bien les appeler ainsi). L’avantage de tout ça est que certains en oublient de se taper sur la gueule (pas pour longtemps je suppose). Le seul référent inaltérable c’est le fric. Bien sur, un léger chaos boursier est en cours (c’est le cas de le dire). Mais dans l’ensemble, quand l’argent va tout va.
Je vais au toilettes (l’endroit ou on est seul au monde). Je touche tout (enfin presque), me tâte, m’asperge, me regarde et ne comprends toujours rien. En sortant je me cogne à un mec qui entre (pas banal ). Du coup, j’attends qu’il se soit isolé pour recommencer mes manœuvres exploratoires (débilité profonde). Rien de changé. Heureux comme un pape (je me demande si j’ai déjà vu un pape sourire franchement) je commande un super grand café dans un saladier (je plaisante) le gars m’a entendu et s’affaire. La télé montre des manifs contre la manipulation de l’information, puis pour la chasse ouverte aux extra-terrestres infiltrés, puis….Quand arrive mon café je me dis que mon humour n’a pas du franchir ses oreilles velues. C’est pas un saladier, mais un bol plus grand j’ai jamais vu.. Et il est plutôt corsé en plus, si je bois tout ça je suis bon pour la syncope. Spontanément je fouille dans ma poche et ramène cinq cent dollars (ça me rappelle quelque chose), pour voir je refouille, je m’arrête à quinze cent dollars (l’unité de fouille dans la poche est de cinq cent dollars, suffit de le savoir). Il bougonne mais me rends la monnaie En plus j’en laisse au moins les deux tiers alors je sors en douce. C’est un calmant que j’aurais du prendre. La j’ai envie de tout casser. Je suis l’heureux (si on veut) bénéficiaire de capacités pour le moins extraordinaires (et quelque chose me dit que je ne suis pas au bout de mes surprises), témoin indirect d’un contact très confidentiel et par la même de l’existence d’un espionnage sophistiqué à la maison blanche. C’est pas messager qu’il aurait du dire l’autre débile ( c’est la rage de l’impuissance) mais observateur. Je me sens prêt à passer ma rogne sur quiconque me défrise les moustaches (Hercule Poirot aurait sans doutes apprécié) que je n’ai pas encore. Il y a un flic (décidément) qui me jette des regards inquisiteurs un peu trop fréquents (deviens-je paranoïaque ? Non, non, je suis fiché maintenant et sûrement classé dangereux). Et immobile a essayer de mettre un peu d’ordre dans mes pensées (ça y ressemble a ‘y méprendre) je dois être un suspect convenable. L’immobilité n’est plus permise sauf aux endroits prévus à cet effet. Je m ébranle (pas de commentaires) donc au hasard sans oublier de faire semblant d’avoir un but précis. Je ne fais que marcher dans cette histoire, aussi m’arrête-je rêveur devant un machin de location de voiture.. Oserais-je ? En attendant, je fais le tour du parking. Quelques belle bêtes.
Pas de liquide. Seulement carte de crédit.
Il a du apprendre à parler par correspondance. Je fais semblant de me fouiller pour me donner une contenance (à quoi ? ) et surprise (c’est la journée) je trouve un magnifique portefeuille avec tout ce qu’il faut dedans, et plus encore. Je lui tends une carte choisies au hasard.
Permis de conduire.
Je cherche un peu et trouve.
Emplacement B9, voilà les clefs.
Un superbe 4x4 noir. Un cauchemar d’écologiste, mais un vrai pied ordinaire. Je m’installe avec plaisir et pense à éplucher le portefeuille miraculeux. L’arsenal complet du citoyen standard, et les photos de la famille en plus. Un mignonne petite femme, deux charmantes filles (parce qu’elles sont en photo et sourient, faut se méfier) et un grand niais (c’est pas moi). Saisi d’un doute persistant je finis par me regarder dans le rétroviseur. Bordel de merde, pas le cul d’être une marionnette. Je me préférais avant et même avant l’avant. Je vide tout sur le siège passager et j’examine comme un agent du FBI. A la fin j’ai une vue d’ensemble pas réjouissante. Je (on devrait bannir le « je » , oui c’est pratique) suis un enquêteur pour une compagnie d’assurance, ma femme ne travaille pas et c’est son anniversaire. Je suis endetté jusqu’au genou, mes filles sont des vraies poudrières à l’école, et j’ai un tas de courses à faire avant de rentrer ce soir. Je suis propriétaire et plutôt bien vu dans ma boite. Mais comme j’ai l’air d’un connard je dois être un tant soit peu intelligent ou malin. Comme il est quatorze heures au tableau de bord (en fait on s’en fout) je vais aller visiter (j’ai l’adresse, le numéro de téléphone, et bien d’autre choses encore ce débile ayant planqué un mini agenda).
Je me gare ( c’est la voiture que je gare) quelques mètres avant la maison. Quartier résidentiel sympa (surtout pour les cambrioleurs et autres), pelouses tondues, haies taillées. Réfléchissons un peu, j’ai certains des attributs de l’autre mais pas tous (les clefs, la voiture, les connaissances, les habitudes , les attitudes, l’odeur, les goûts….), l’autre existe-il encore ou ai-je emprunté son corps ? D’accord, je fonce. Et pour commencer je sonne. Rien. Je fouille discrètement (si c’est possible) pour trouver la fameuse clé de secours. Je fais le tour de la maison. Je retourne à mon 4x4 et attends.
Ma femme (oui je sais c’est un peu abusif) rentre juste avant les gamines ( je ne me sens pas d’affronter les gamines et leurs regards perçants). J’ai bien trouvé un coin pour pisser mais je ressens des mouvements annonciateurs d’un plus gros besoin (élégant non ?). Vers les vingt deus heures seules les lumières du salon persistent, avec les variations révélatrices d’une télévision en fonctionnement. J’y retourne et sonne.
Qu’est ce que tu fous là, je te croyais à Denver ?
Ouais, je devais. Mais j’ai été attaqué, ils m’ont tout pris même mes fringues, t’imagines ?
Elle imagine pas. Et ma présence paraît carrément l’emmerder.
C’est les flics qui m’ont filé ces fringues.
Ah oui et il ne m’ont pas prévenue ? Et t’es arrivé comment ?
Pas conne la fille. On à beau mentir avec une facilité déconcertante quand on est coincé. Il faut que ça tienne la route.
Ils m’ont raccompagné et puis sont partis.
Elle me regarde comme un examinateur scrupuleux, mais les apparences ont raison de ses doutes. Elle se penche un peu et me renifle.
Au moins t’es pas bourré. Alors admettons.
J’entre, attends un instant pour la suivre (je ne connais pas la maison, j’en ai pourtant une petite idée). Je m’affale dans le canapé (ouf, le plus dur est fait).
Sert moi un whisky j’en ai bien besoin.
Tu sais bien comment faire non ?
Et elle se barre, ma présence l’indispose visiblement. La télé agite toujours des images sans signification. Moi je chercherais plutôt les toilettes (et oui encore, pas vous ?). De retour dans le salon (avec le canapé) toujours pas de signe de ma tendre moitié (étymologie et l’épistémologie doivent être des sujets d’études passionnants). J’essaie de deviner ou peut se cacher le bar (j’ai besoin d’un remontant et puis ça colle au personnage), finalement j’opte pour un meuble bas sous une fenêtre. Gagné ! Maintenant les verres, beaucoup plus difficile (je ne sais pourquoi j’ai l’impression d’être épié). En désespoir de cause je vais vers ce qui paraît et est la cuisine..
Elle me réveille avec un grand sourire satisfait (faut dire que je lui ai offert une nuit torride, j’avais bien besoin de ça et elle aussi apparemment) . Elle sait. Je vois qu’elle sait et ne l’acceptera sans doute jamais vraiment. Elle murmure tendrement.
C’est l’heure.
Prête pour un remake, et comme je ne vois pas grand chose à faire.
Tu vas être en retard.
Un peu plus ou un peu moins (pour ce que j’en ai à faire).
C’est une goulue. Je jette l’éponge vers onze heures. Je me sape enfin avec des fringues à ma taille. Standard consultant ou vendeur affable (une autre forme d’uniforme et j’y étais habitué). Je regagne ( je l’ai pas gagné, seulement loué) mon 4x4 avec l’étrange sentiment du devoir accompli (ça ne dure pas longtemps). Tout me dépasse (et largement, astronomiquement devrais-je dire). Ma raison à déclaré forfait et mes pensées sortent d’une déchiqueteuse. Je n’ai même pas de distractions tant l’animation du coin ressemble à celle d’une morgue en pénurie de cadavres. J’en arrive presque à souhaiter un signe du marionnettiste. Ma femme (j’envie de l’appeler comme ça, c’est une belle histoire après tout) sort sa voiture du garage et se barre. L’idée de la suivre n’a même pas le temps de se formuler. Mon inutilité me saute à la gorge (j’adore les expressions hors contexte). Finalement je me résous à retourner voir la momie

Je n’ai pas trop de mal à retrouver l’endroit (avec l’aide d’inconnus complaisants ; on peut faire aussi cons plaisants, ce qui est parfois la même chose). Juste le temps de comprendre pourquoi le FBI installait des WC chimiques à l’arrière pour les planques que voilà le bateau ambulant. Deux minutes plus tard la momie disparaît dans le palace à quatre roues. C’est facile de filer un paquebot. Les seuls problèmes sont les feux rouges. Tout se passe (encore) bien mais quand l’engin (désolé je manque de vocabulaire) stoppe et qu’il (la momie) s’éjacule vers un immeuble luxe, je ne sais plus quoi faire. Pas moyen de se garer. C’est trop idiot et puis j’ai des besoins à satisfaire (on peut se retenir, mais il y a des limites) Evidemment mon retour suscite des commentaires (imaginez ce que vous voulez). Le paquebot n’est plus là et les injures pleuvent comme sous les tropiques ( je fais allusion à la pluie pas aux injures). Je repars la queue entre les jambes (ou voulez-vous qu’elle soit, non pas en ce moment). Pour aujourd’hui je crains fort que ça ne soit râpé. Il me reste l’à part (rappelez vous le mec qui enregistrait en douce). Je me trouve un cybercafé d’aspect avenant, ce qui l’est moins c’est de caser mon engin (je parle de mon 4x4) dans un endroit valide et disponible. Je finis par le laisser dans une impasse pleine de détritus, je ne sais pas si je le retrouverais et dans quel état (les petites tracasseries de la vie commencent à m’indifférer complètement). Pour ce qui est de son nom c’est pas la joie, beaucoup trop pour moi (j’aurais pas cru). Pour la société et le service c’est nettement plus révélateur. Je retourne à la liste des noms, mais même avec une réduction géographique (entachée d’à priori plus ou moins satisfaisants) c’est injouable. Comme je n’ai rien d’autre à faire (si, j’ai faim) je décide d’aller voir cette boite. C’est a plus de deux cents kilomètres mais j’ai tout mon temps (non, manger). La pensée n’est qu’un occupation de repus en état d’équilibre temporaire. Je me ferais bien un chinois (pas de phantasmes déplacés s’il vous plait).
Deux étages en plein désert et un système de sécurité genre fort Knox (j’ai jamais vu fort Knox mais j’imagine). Je m‘approche franchement de la barrière l’air sur de moi.
Je voudrais voir…
Carte d’accréditation.
Mais je voulais juste…
Carte d’accréditation.
Bon, dans ces cas là on n’insiste pas. Je fais gentiment demi-tour pendant qu’il écrit fébrilement sur son carnet de bord et rentre ensuite dans son bureau (c’est pas une guérite mais un vrai bâtiment avec deux ou trois logements, je parie) pour téléphoner. Ma voiture est maintenant suspecte (de qui, pourquoi, je ne sais pas). Je vais avoir du souci à me faire dans les heures qui viennent et le pauvre type dont j’usurpe l’identité et plus. De retour sur la route principale je nous (je fais attention maintenant) gare sure le bas coté et fais les signes désespérés du gars en panne (je suis vraiment en panne mais si j’expliquais je resterais sur le bord de la route). Mes agitations ne provoquant aucune réaction même d’une voiture de flics qui passe sans broncher (j’ai jamais vu quelqu’un broncher ou alors très malade). J’ai comme un doute que je ne peux pas tester ici. Je retourne à fort Knox. C’est incroyable comme un chemin est plus long à pieds qu’en voiture (oui je sais c’est justement pour ça qu’on a inventé la voiture). Je suis récompensé de mes efforts quand je passe tranquillement devant le bureau du surveillant qui ne dort pourtant pas. Je suis à nouveau virtuel (si j’avais une remarque à faire ce serait un certain retard à l’allumage. La voiture, oui ça commence à faire beaucoup). Peu de monde (c’est normal vu l’heure) sauf des aliénés du travail quoiqu’ a y regarder de plus près, ce que je peux me permettre, la notion de travail ait besoin d’un sérieux lifting. Dix huit niveaux enterré, mais vous commencez à me connaître (bonne chance, moi j’y arrive pas). Tout est sécurisé y compris les escaliers de secours (sauf pour remonter j’espère, ou alors la sécurité serait-elle de s’enterrer ?). Je me refouille (on ne sait jamais quelles surprises m’ attendent, j’ai déjà eu ma dose). Ben voilà j’ai changé d’identité et de gueule, marine de trente deux ans et la photo qu’on imagine. Je me tâte (passons), ma bedaine naissante a disparu, des pectoraux et des abdominaux a faire craquer une collégienne. Mes fringues ? Ca va à peut large, je resserre la ceinture au maxi et j’ai encore de la marge. Moins de carte de crédit mais une autre plus intéressante pour ce que j’ai à l’esprit. Tout marche bien, la carte, l’empreinte du pouce et celle de l’iris (je suis béni des dieux, pardon je blasphème). Dix huitième sous-sol, l’antre de la bête. En plus il y a deux gardes dont je m’écarte rapidement avant même qu’ils ne s’étonnent de cet ascenseur vide. Alerte générale, ça m’arrange plutôt, comme ils vont fouiller partout je pourrais aussi aller partout (c’est un état d’esprit à prendre). A part de vulgaires ordinateurs de bureau plus ou moins cachés (esthétique de l’inutile) et une floppée d’écran plats (je n’ai ni le temps ni les capacités pour en faire bon usage) rien à voir. Je remonte avec une escouade de marines (eh, oui), j’essaie d’éviter les interpénétrations ( je vous en prie) qui me sont désagréables.
Avoir un corps bien entraîné de marine de trente deux ans est très bon pour la santé. Je respire à peine plus vite quand ce que suspectait est arrivé Il y a tellement de flics autour de mon ex 4x4 (j’en connais un et une qui vont avoir des problèmes) qu’on pourrait se demander s’il y en a d’autres pour faire leur boulot. Je m’y attendait un peu (beaucoup, passionnément, à la folie, pas du tout). Je m’inquiète. Deviens-je dingue ? Je ne risque rien puisque je suis virtuel, mais non. Y’en a au moins deux qui se dirigent vers moi. Difficile de jouer les passants dans un coin sans une bicoque à trente kilomètres à la ronde.
C’est à vous cette voiture ? Qu’est ce que vous foutez là ? Vous cherchez quoi ? Vos papier.
C’est le genre à poser trente questions en espérant une seule réponse et se rendant compte de sa connerie se réfugie derrière la loi.
Je lui file mon portefeuille, à lui de faire le tri.
J’aurais adoré le voir se dépatouiller maladroitement avec mes papiers mais il prends une attitude martiale
Excusez moi commandant, je ne pouvais pas savoir. Je pensais que..
Je masque ma surprise (l’habitude fait le moine) assez facilement car je commence à avoir de la pratique.
Vous pensiez quoi ?
Il lui faut un certain pour remettre ses pensées en ordre.
Nous avons reçu un ordre prioritaire concernant ce véhicule. Et vous voyant sortir de nulle part dans cet accoutrement (sauf votre respect) nous avons cru (et il mets l’autre dans le coup, c’est humain)….
Ce n’est rien. L’urgence valait pour moi aussi et je n’étais pas en situation adéquate
Cette pseudo confidence lui rends un discret sourire de connivence
Je marche comme un marine (j’ai pas trop de mal) pour sortir dignement de cette scène trop éclairée ( comme les lieux d’un crime dans une série TV). J’ai peut être exagéré, d’après mes souvenirs il doit y avoir un bled à sept ou huit kilomètres et après de savant calculs (que je ne transmettrais à personne) je détermine la direction. Avec la forme que j’ai en deux heures maximum je serais à nouveau dans la civilisation (quelques fois je me demande). La civilisation c’est beau, surtout de loin .Des lumières, des maisons, des rues, des voitures mais l’humanité ? Le seul être vivant que je rencontre (hormis les chats, chiens et autres espèces indéterminées) est un vieux pochard qui fait la manche sans trop y croire (je veux bien lui filer du fric mais je suis curieux de ce qu’il va en faire, ou plutôt comment il va en faire ce qu’il veut). Je sors un billet de cent et alors il me débite toutes les attractions cachées de ce village tranquille (qu’il méprise comme il se méprise). Effectivement dans un coin bien à l’écart de la rue principale subsiste un endroit de dépravation.. Il y a même trois putes pas très fraîches (j’aime pas celles là). Quand je lui donne mon billet il ressemble à un chien battu heureux de ma sollicitude. Je ne résiste pas.
Viens, c’est moi qui invite.
Il me regarde à me faire mal. C’est lui qui choisit donc l’endroit.. Je ne fais que suivre.
C’est a se demander comment un peu d’oxygène arrive a se faufiler entre les nuages de fumées. Les filles qui se trémoussent maladroitement n’ajoutent rien à l’ambiance du lieu.
Je ne bande plus , mais ça m’excite encore.
Le ton bas de la confidence intime. Je laisse un autre bifton sur le bar et me casse. Je déguste un peu d’air pur. Une autre vieille vient m’entreprendre.
Ecoute, tout ce que je veux c’est dormir.
L’entraînement de haut niveau c’est bien, mais il faut récupérer, et donc dormir. Pour les marines c’est pareil. Un ; deux ; trois billets et son sourire la transforme en une créature séduisante.
Tu sais, un mec comme toi c’est tout gratuit. Mais si tu veux juste dormir. Tant pis pour toi ; et pour moi.
Décidemment, j’ai du mal à me faire aux changements physiques C’est comme une atteinte à mon intégrité. Je ne sas même pas si mes pensées sont influencées (c’est le maximum que je puisse envisager) par mon apparence et mes capacités physiques. Un homme visitant tous les autres hommes. Enfin pas tous, par manque de temps (je n’y crois pas trop), pour un but caché (je n’y crois pas trop non plus). J’ai vraiment des réflexions dérisoires. Entre mes certitudes d’hier et ma condition actuelle un abîme, un gouffre insondable s’est creusé. Je sombre . Elle est toujours là et me regarde tendrement (c’est comme une mère que je vois à mon réveil). Un inventaire sommaire confirme ce que je sens, tout est en ordre. Je l’embrasse sur les joues comme une mère, puis sur les lèvres comme une femme délaissée, et enfin comme une femme qu’on aime. Elle a tout compris (juste la surface des choses et c’est déjà beaucoup). On se sépare d’un simple geste de la main, sans rien dire.
Le bus est quasiment rempli. A coté de moi une mamma un peu enrobée mais toujours séduisante somnole de trop de fatigues accumulées. L’ambiance générale est à l’assoupissement. Je ne me plains pas.. A l’arrivée c’est une autre histoire. Je trouve facilement une agence de location de voitures et je repars bientôt au volant d’un van rouge ciel (il y a des moments ou le ciel est rouge non ?). Retournons à la momie. J’ai toujours pas de chiottes chimiques à l’arrière mais j’ai une bonne provision de sacs poubelles. Comme il est tôt et que des effluves appétissantes viennent m’interroger, je cède à la tentation. Et puis quelques beignets bien gras n’ont jamais fait de mal à personne (si ? Mais pas pour un marine en pleine forme). J’étais en train de me dire que j’aurais pas pu…..(mais je le fait). Quand voilà le paquebot (on ne se refait pas en un jour bien qu’il y en ait qui s’en charge pour vous). Environ dix heures donc vraisemblablement autant à attendre (j’ai pas été formé pour ça moi).
Dans peu de temps je vais être bon à enfermer. Mon seul élément de continuité c’est mon esprit inaltérable (j’en suis plus très sur). J’ai du pot , il semble vouloir bouger alors qu’il n’est pas encore seize heures. Je le suit (de plus, j’ai bien involontairement changé de voiture, donc tout va bien) Le même immeuble qu’hier, mais la je ne faits pas le con et lui emboîte le pas (peu importe ma bagnole en double file, au pire j’en louerais une autre). Je suis à nouveau virtuel (je commençais à me douter d’un truc dans ce genre) et donc tout est facile avec un guide. J’assiste à une de ces réunions chiantes et probablement inutile qui font la joie de certains (que je ne nommerais pas, mon disque dur ferait la gueule et je tiens à garder de bonnes relations avec lui). Surréaliste, quinze mecs (au moins) dont deux qui font un show dont on ne sait même pas si les autres voient ou entendent. Oui, il y a bien quelques manifestations, tics ou signaux convenus ? En bref ; je n’ai rien appris sauf que je préférerais presque le marteau piqueur (avec un casque pour le bruit). Encore trois réunions du même acabit et je suis aussi vidé qu’après trente kilomètres en tenue de combat (c’est le coté marine qui ressort, je ne peux plus me fier à mon esprit, mais je n’ai que lui). Aux alentours (je ne vois rien pourquoi ?) de vingt deux heures (bien tassées) il rentre enfin chez lui (je ne fais plus que supposer, autrement c’est moins sur). Vu la bicoque (une petite moquerie insignifiante, c’est un vrai palais) je crois l’avoir logé. Ne sachant pas si je suis virtuel ou non (c’est un inconvénient que je transmet en permanence, sans résultats) je fais gaffe. L’entraînement des marines me permet de savoir que j’ai déjà franchis au moins trois systèmes d’alarmes. Comme rien ne bouge je dois être en mode virtuel ( les jeux vidéos ça colle à la peau, comme les patchs anti-tabac quand tu y penses ça te rappelle à l’ordre, et quand tu n’y penses pas ça t’y fais penser ) alors j’y vais franchement. Pour entrer ça va être plus coton, ce type est plus que méfiant, plus que paranoïaque, professionnel. Il ne me reste que l’arme ultime : la diversion. Je retourne à mon van, j’avais fais de prévisions mais pas celles là. En une heure aller-retour je reviens avec de quoi faire tout sauter mais ce n’est pas mon idée.. Rien n’a changé C’est comme un terrain de football avec une maison au milieu et les gradins en moins. Je confectionne, sinon une bombe, des petites bombes feux de Bengale, mais bruyantes, très bruyantes (il faut bien sortir ce type de son lit et surtout de sa maison). Si j’étais un peu moins éphémère j’aurais presque envie de m’engager dans les marines (je plaisantais, pas sur vu la forme que j’ai. Ca compte aussi). Deux heures plus tard je suis à la porte et je déclanche le feu d’artifice. J’ai prévu large et heureusement. La momie n’ouvre sa porte qu’a la fin de ma représentation. C’est juste ce qu’il me fallait. Les deux cons veignants (on peut s’amuser un peu non ?) d’un palais c’est le nombre de pièces, et comme il remonte se coucher (je n’ai aucun phantasme particulier à voir dormir un mec dans un grand lit) il ne m’aide pas vraiment. Ceci dit c’est vraiment un palais, somptueux, admirable mais pas habitable (pour moi en tous cas) . Louche aussi, très louche, pas de domestiques (il est venu lui même ouvrir la porte). Comme j’en ai un peu marre d’errer (j’erre beaucoup) sans savoir quoi chercher je me décide pour le passe muraille Bordel, ça fait mal en mir en pleine poire. C’est le danger des miracles, ils n’arrivent que lorsqu’on n’y croit pas. Je ne trouve rien. A ma décharge, je pense qu’il faudrait une escouade du FBI pendant trois mois pour venir à bout des secrets de cette battisse. La nuit a disparu et j’entends quelques signes d’activité. Il y a des domestiques mais qui doivent coucher ailleurs ( ce dont je ne les blâmerais pas). Quoiqu’il en soit je suis aussi perdu qu’un vers luisant (ou pas) sur une autoroute californienne. Mon van est un havre de paix. Je rêve d’une cabane perdue dans des montagnes inaccessibles ou le vol d’un papillon est un événement et les piqûres de moustiques aussi rares que le passage d’un avion.
Eh, déconne pas ! J’y suis et c’est moi qui déconne. La cabane est une vraie cabane, très spartiate et encore ils ne pouvaient pas être aussi inconséquents (les spartes). J’ai une tenue adéquate (il y a du progrès). Parlons en du progrès, le seul signe que je trouve est une vieille pétoire dont je ne me servirais pour rien au monde. Je ressors (pas de jeux de mots je serais réfractaire) et c’est pas difficile puisqu’il n’y a qu’une pièce et une porte et tant qu’a faire une fenêtre. C’est beau, calme, l’air pur, la vue un peu limitée (assez montagneux et boisé comme endroit), tout ce qu’il faut pour perdre son temps avec sérénité. Bon, j’ai pas le mode d’emploi du transport instantané, mais je vais sortir de là. Pas l’ombre d’une tentative de chemin pour indice, le soleil trop haut encore ne m’indique rien, c’est pas gagné. Je descends (les vallées finissent bien par se retrouver quelque part, pas les montagnes). Je me tâte (oui, encore) pour vérification, j’ai toujours ce magnifique corps de marine athlétique (j’en rajoute un peu mais croyez moi ça fait plaisir à savoir). Je tombe dans une rivière, ça rafraîchit et même un tantinet trop. J’essaie de me laisser aller par le courant (astucieux non ?) mais elle n’est pas assez profonde et les cailloux font très mal partout. Vu la végétation je n’envisage pas longtemps de la suivre à pieds secs. Donc je patauge et ça c’est crevant et casse gueule. Et voilà que le soleil m’indique (à tous les gars du coins aussi d’ailleurs, si il y en existe) qu’il est temps d’aller se coucher (bonne nuit les petits). Je m’en fous, les pieds dans la flotte (même froide) c’est un repère insensible à la lumière. Je commence tellement à ne me prendre que comme un visiteur qu’il me faut un certain temps pour me rendre compte que mon magnifique athlète a aussi ses limites. Je fais beaucoup de bruit (pour rien), jette quelques gros cailloux et tape un moments des pieds (tout ça pour faire fuir les sales bêtes possibles) et je m’effondre dans le petit coin douillet que je nous ai choisi (après ce qu’il vient de faire pour moi, je ne peux plus dire « je »). Je me réveille prudemment, ne semblant héberger aucune créature malveillante ou autre, je me lève. Nous sommes crevés et un peu affamés. On a bien progressé, je vois une plaine un peu plus bas (pas vraiment une plaine disons raisonnablement vallonnée). L’ennui avec les rivières et les cours d’eaux en général c’est que s’ils suivent le chemin de la moindre pente c’est jamais le plus court. Mais comme je ne sais pas ou je vais quelle importance ? Le niveau d’eau me semblant plus acceptable je vais retenter le body-rafting (il y a sûrement des mecs qui ont déjà essayé, moi je ne connaissais pas). Ca marche plutôt bien sauf quelques rencontres violentes et inopportunes (nous allons être couvert de bleus à l’arrivée, si on arrive). On est obligé de faire des haltes pour se réchauffer, mais dans l’ensemble tout baigne (c’est le cas de le dire). Maintenant le courant a faibli et la rivière transformée (la garce) en ce qu’il faut bien appeler un fleuve. A la faveur d’une sorte de gravière nous décidons donc de quitter ce moyen de transport (pas désagréable mais souffrant d’un manque de confort et de climatisation). Le soleil tape dur et nous réchauffe et sèche vite fait (inquiétant pour la suite car il n’est pas encore très haut). Il faut trouver une route (ça ne peut pas ne pas exister). Je scrute les alentours, rien que des champs cultivés (ne me demandait pas de quoi, je ne sais pas). Quel crétin, qui dit culture dit ferme ou ranch. Ouais, mais je ne vois toujours rien. Je ne sais pas si vous avez remarqué mais pour faire des cultures on creuse des sillons (ça ne date pas d’aujourd’hui). Suivons donc les sillons. J’aurais préféré une petite propriété de pauvre. Enfin on arrive sur une route (un vague chemin terreux, on se réconforte comme on peux). Suivons le chemin terreux. Il fait chaud et soif (la faim passe après comme chacun sait). Je nous retiens d’embrasser le goudron C’est pas l’autoroute mais il doit bien y passer du monde de temps en temps. Je vais quand même pas crever au bord de cette route stupide. Et ce con de soleil qui chauffe tout ce qui bouge (et ce qui ne bouge pas aussi). J’entends le bruit d’un tracteur asthmatique avant de l’apercevoir au loin, si loin que je me demande s’il va arriver jusqu’a moi. Mais si (la patience est la première des vertus). Va falloir trouver une excuse plausible. Je n’en ai pas vraiment sous la main. Il ne s’arrête pas et me fait juste signe de monter ce qui n’est pas trop difficile vu son allure. Pas plus bavard que son tracteur, ça me va très bien. Une éternité plus tard (au moins) on traverse un bled. Je descends comme je suis monté. Un regard et un petit signe de la main peuvent valoir de longs discours. C’est la cambrousse comme on imagine même pas. Il me faut un moment pour repérer une épicerie. A l’intérieur je révise mon opinion. Un bazar, un bar, une salle de jeu, un restaurant, un bordel, un coiffeur, un concentré réconfortant d’humanité. J’ai tellement soif que je demande un grand verre d’eau. Je perçois comme un malaise (l’air cons mais l’ouie fine et le reste peut être aussi).
Et une grande bière.
Tout paraît rentrer dans l’ordre. En voyant le verre d’eau et la bière c’est moi qui suis au bord du malaise. Commençons par le verre d’eau j’en ai besoin.
J’essaie naïvement d’engager la conversation au sujet des extraterrestres.
Tout ça c’est des conneries.
Un truc de politicards véreux.
J’ai pas vu mon mais pousser plus vite.
Un mec bleu, je le bute.
J’aimerais bien passer à autre chose mais ils sont intarissables. J’ai presque fini ma bière quand ils en viennent à un sujet de non conversation qui parait l’état normal de cet endroit
Je finis ma bière pour ne pas faire semblant (de quoi, on se le demande). Bon, j(ai retrouvé la civilisation (si on peut dire) et me sens un peu bizarre à tel point que je dois m’adosser et puis m’asseoir pour récupérer Trop de gens indifférents plus tard je nous sens d’attaque Il n’y a rien à attaquer et je n’ai rien à foutre dans ce trou pourri. Je n’ai pas la berlue, une voiture. Je me plante au milieu de la rue en jouant les sémaphores. Je ne dois la vie qu’a ses réflexes affûtés. Une petite vieille (j’aurais du me faire gérontologue) m’aide (elle peut toujours le croire) à me relever.
Personne ne s’arrête ici mon pauvre.
Tant de sollicitude m’émeus. Et j’hésite à poser la question qui tue.
Pour aller à la ville on fait comment ?
Il y a le bus toutes les semaines, vous l’avez raté de peu, il est passé hier soir.
Elle s’en va tremblotante et trottinante. Elle a du parler pour un mois entier. Je n’arrive toujours pas à accepter qu’un tel lieu puisse exister réellement. Soyons positif, je sais qu’il y a un bus, et au moins une ville (je me demande ce qu’elle entendait par là). D’accord je ne sais pas ou est la ville en question. Mais en repensant à la bagnole qui a bien failli m’occire j’opte pour la même direction et me mets en marche. C’est assez plat pour me rendre compte que je ne suis pas arrivé. Et avec ces connards j’ai oublié d’acheter une bouteille d’eau. Le soleil inclinant vers le couché j’ai peut-être une chance. Une autre voiture et le gars stoppe sans même que je ne fasse un signe.
Qu est ce que tu fait là ?
Je vais à la ville.
Alors bonne route.
Et il repart en rigolant. Ma colère est tellement inutile qu’elle s’éteint toute seule. La nuit est tombée comme une grande et le petit vent qui m’étais si agréable tout à l’heure me frigorifie à plaisir. Je craignais crever de chaud et c’est de froid que je vais sans doutes succomber (ça fait un peu mélodramatique, mais je n’ai plus les moyens de faire mieux). Ce sont les flics qui me sauvent (il y a des moment ou on pourrait presque les aimer). Ils me frottent et me tapent dans le dos, c’est vrai que ça réchauffe. Et puis viennent les questions. Je pourrais adapter ma version de l’amnésique mais là j’ai une identité sérieuse qu’ils ne tardent d’ailleurs pas à découvrir. Le seul avantage que j’en retire est un ton plus respectueux. Ma cervelle mouline a très grande vitesse (hors des limites autorisées).
Commandant.
Excusez moi, mais que faites vous sur cette route paumée en pleine nuit ?
Un exercice raté.
Et ils ne vous recherchent pas ?
Sûrement que si, mais pas ici, là ou je devrais être.
En tout cas vous avez du pot on ne passe pas ici une fois par mois c’est des abrutis complets. On vous ramène à la base.
J’acquiesce (que faire d’autre).
Ils sont aux petits soins pour moi et m’offrent même un café instantané fabriqué avec un machin branché sur l’allume cigare Ils sont plutôt bavards, mes réponses évasives les dissuadent de continuer. J’ai comme une petite panique en m’apercevant qu’ils attendent que je passe le contrôle avant de repartir. Ca c’est une carte d’accréditation, je l’embrasserais si je pouvais. Les flics repartent contents d’eux j’imagine. Bon, je suis dans une base perdue de l’air force (c’est écrit à l’entrée), et je n’en garde pas que de bons souvenirs. Pour signifier ma confiance et ma contenance (qui reste intacte merci bien) je me dirige vers le bâtiment principal. Je sais (et là je ne plaisante pas) que, depuis le parking et sans doutes avant, je suis filmé, enregistré, radiographié, ausculté par quelques agents des malades de la sécurité chargés de la base. Eh oui c’est comme ça, je ne peux même plus me barrer tranquillement. En tout cas mon accréditation est béton, on me laisse entrer après les distractions d’usage, empreintes, pupilles, et prélèvement de peau (ça c’est nouveau). Je marche d’un pas décidé (toujours l’air décidé chez les militaires, ça les rassurent) sans avoir le début d’une idée de ce que nous venons faire là (j’oublie parfois que nous sommes deux). Mon pas décidé m’ayant conduit aux ascenseurs (c’est tout droit) prenons l’ascenseur. On repasse des contrôles de sécurité et comme je répugne à m’enterrer je choisi de monter. Pas plus loin que le quatrième. D’accord pour le quatrième. Je persiste dans mon allure martiale mais il va bien falloir que j’arrête, il ne reste plus que le toit.
Ravi de vous voir commandant, nous vous attendions.
C’est la momie souriante qui m’accueille en me tendant la main. Heureusement que nous possédons un mode de fonctionnement automatique sinon j’étais bon pour la crise de nerfs, ce qui aurait été du plus mauvais effet. Je salue sans savoir pourquoi (toujours en mode automatique) et le suit. Grande salle et grande table avec une quinzaine de types autour. Elle ne me présente pas, tout le monde semble me connaître, un simple signe de tête comme bonjour. Ne rien comprendre est parfois une source d’émerveillements mais là. On s’assoit, j’ai un imperceptible retard. Elle (ou il, faites comme vous voulez) mène la réunion.
Messieurs, nos services ont analysés les enregistrements des différents « contacts » que nous avons pu nous procurer. C’est du bluff, des trucages enfantins.
Et il nous le prouve, images à l’appui. Très convaincant.
Projections holographiques tout simplement.
Mais, les poignées de mains sont bien réelles non ?
Il y en a au moins un qui réfléchit.
Suggestions hypnotiques.
Plus affirmatif c’est pas possible. Et ça cloue le bec à tout ceux désirant emboîter l’idée du précèdent.
Et les gigantesques vaisseaux au dessus des principales capitales mondiales ? Plusieurs millions de gens les ont vus.
Lui va se retrouver muté au moyen orient sous peu (je tiens le pari).
Nos radars n’on rien détecté d’anormal. Projections holographiques toujours, nos scientifiques travaillent sur la question.
Là, ça défrise la mauvaise foi la plus persuasive. Je me décide à l’ouvrir, ne risquant rien de toues les façons.
Juste quelques questions simples et une plus compliquée.
Je vous en prie commandant.
Qui ?
Comment ?
Pourquoi ?
Et s’ils sont si forts pourquoi utiliser des trucages aussi « enfantins » selon vos propres mots ?
Tous nos services cherchent les réponses à vos questions légitimes.
Pas facile à démonter la momie. J’ai un peu pitié pour le gars que je manipule en partie, mais je ne crois pas avoir à endurer sa disgrâce. Je parviens à esquiver toutes les tentatives de dialogues et me retrouve sur le parking aussi démuni qu’en arrivant. J’aperçois le petit malin en partance pour le moyen orient et le rattrape.
Excusez moi, ma bagnole refuse de démarrer, vous ne pourriez pas me ramener en ville ?
Il me regarde avec la sympathie de deux cons qui se reconnaissent.
Suivez moi.
Evidement j’ai droit à ses états d’âme au sujet des extraterrestres. Il n’a pas vraiment tort, j’abonde sans conditions. Je ne sais toujours pas ou je suis (j’aurais du faire gaffe aux panneaux) mais c’est une vrai ville. Je le quitte dans le centre sous un prétexte vaseux. Faudrait pas que ça devienne une habitude, c’est beau une ville la nuit, mais bon. Avec toutes ces conneries je n’y pensais plus mais j’ai faim, véritablement très faim. A l’écoute de mon corps d’athlète, j’ignore un tas de restaurants pourtant prometteurs, et me retrouve à baver devant une poissonnerie déjà fermée. Je laisse mon corps (façon de parler) à ses états d’âmes (décidément, il y a des moments ou je débloque complètement) et vais m’engoufrer un bon vieux steak avec plein de bonne vieilles frites et plein de sauce. Je nous trouve un hôtel respectable et nous offre une bonne nuit de sommeil.
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Je me réveille avec une gueule de bois pas piquée des piverts (j’aime pas les hannetons). Des cheveux blonds s’agitent derrière mon ventre rebondit. Je vais craquer. En me redressant un peu j’aperçois une charmante jeune fille s’évertuant à redonner vie à mon membre flasque et inutile.
Vous avez trop bu hier soir, sénateur.
Je dois partir maintenant, votre commission est à dix heures.
J’en ai marrelström (j’accepte). Un visage de sainte salope et un corps d’ange (je crois que je blasphème) juste entrevus lors de sa sortie rapide et discrète. La seule chose sure est que je n’ai rien à perdre. Je ne suis qu’une âme errante soumise à des instants de réalité. Je ne risque rien d’autre que les divagations d’ un fou bleu (c’est moi qui divague). Finalement, tout ce qui m’arrive est étrange (diaboliquement étrange, incompréhensible et invivable), mais rien ne prouve son intervention dans mes histoires (on se rassure comme on peut).
Le téléphone musicalise (fantastique invention que le téléphone, hélas un connard à inventé l’alerte sonore).
Monsieur le sénateur ?
Oui (l’envie de savoir nous perdra pour toujours)
Ces Messieurs de la commission vont vous attendre (elle ne bluffait pas la sainte nitouche).
Dix minutes et j’arrive.
Dix minutes c’est vite dit, je me sens vieux (et je suis vieux) lent et maladroit. Un chauffeur fébrile me tombe dessus dans le hall de l’hôtel et me traîne comme il peut (je suis pas très maniable en respectant les convenances) vers ma limousine.
Nous somme onze (pas de nombre pair pour éviter les égalités, c’est une façon de voir la démocratie) autour d’une table. Tout le monde se connaît (moi je fais semblant). La vie n’est qu’un long discours dont chacun se satisfait. Ils paraissent convaincus de la réalité des extraterrestres, leurs principales divergences concernent les réponses appropriées. Je préférerais un simple rôle d’observateur (acteur presque toujours au bord de la panique est épuisant). J’écoute, je ne fais que ça. Mes capacités verbales sont celles d’un gorille adulte (quand même), mais personne ne s’en offusque (dans ce genre de réunion, vous pouvez passer pour un con, mais les autres sont tellement heureux de parler). A midi et demi il est décidé de poursuivre demain à la même heure. C’est pas tuant comme boulot.
Dépêchez vous sénateur, on vous attends pour ….(c’est mon chauffeur ou majordome je ne sais plus).
Je refuse tout en vrac, me recroqueville (marrant comme verbe). Je reste planté là, hébété (m’en fous).
Sénateur, ça ne va pas ?
En mode automatique je le suis. En fait ce que j’appelais « mode automatique » n’est que le fonctionnement normal du mec que j’habite. Fabuleux, je ne suis qu’un parasite prioritaire. Je me sens beaucoup mieux et laisse faire.
Bordel que c’est chiant. Un VRP n’ayant rien à vendre sauf lui ( ou son image pour ceux qui ne croient pas à la corruption). Intéressant malgré tout. Je le comprends mieux le vieux. Se vendre toute la journée donne envie d’acheter (une call-girl pour la nuit par exemple, et d’autres choses aussi) et les promesses fatigantes. Je n’interviens que pour le modérer sur l’alcool ( s’il doit y avoir une petite sauterie je préfère qu’il soit en forme). Mais non, il part vers sa chambre pour dormir (incroyable) droit et sur de lui (pour compenser sa bedaine bondissante). L’inconvénient de ma situation (consentie pour l’instant) c’est que toutes les petites actions non réfléchies apparaissent comme incongrues voire indécentes (surtout vues de l’intérieur si je puis dire). Enfin il s’endort, mais pas moi, surprenant. Je vais m’emmerder ferme. J’ai du temps pour réfléchir. Devant l’impossible diversité de mes suppositions je préfère redevenir prioritaire.
Je suis tiré du néant par une douce chaleur au niveau du bas ventre. Il s’oublie le vieux. En ouvrant les yeux je reconnais la fille d’hier pareillement occupée avec plus de succès visiblement. Chouette comme réveil, évidemment ça doit coûter cher (et pas en vente libre dans le commerce). Je les laissent faire et me retire (pas très approprié) dans mon coin (que pourrais je dire d’autre ?). Comment le sommeil réparateur (c’est ce qu’on dit) de mon hôte peut-il m’affecter ? Je ne sais pas. Le sommeil est un des plus grand mystère de l’humanité (et des mammifères en général, pour les autres je ne sais pas). Bon, quelques heures se sont évanouies et alors ? Alors, rien (et pourtant tout à changé, ailleurs et partout). Je subis les soubresauts de l’orgasme puis les préparatifs du vieux à son rôle social. J’aurais presque envie de savoir ce qu’il pense, comme c’est déjà le bordel chez moi inutile d’en rajouter.
Cette putain de commission, j’écoute en diagonale (ça suffit largement pour comprendre). Je pensais naïvement avoir une sorte de mission (l’imagination vous joue parfois de ces tours). Et ces débris passionnés me font froid dans le dos (on peut dire n’importe quoi en s’appuyant sur du néant consistant). J’apprends quelques petites choses, mais qu’est ce que je fais là ?
Un grand mec attends, l’air de ne pas savoir ce qu’il fait là tout en le sachant inévitablement.
Ah, sénateur je vous attendais (je ne m’en serais pas douté).
Oui.
On vous attends à la Maison Blanche, je suis chargé de vous conduire (serait il plus important que je ne le supputais ?).